Le long de la côte atlantique française, des carcasses de bateaux viennent parsemer le paysage par dizaines, pourrissant dans la vase tels des vestiges d’un naufrage, en attendant de disparaître. Selon une vieille tradition marine aujourd’hui interdite, les vieux navires de pêche en bois doivent retourner à la nature, en se décomposant sans être détruits. En Bretagne, là où la concentration d’épaves est la plus importante, une cinquantaine de cimetières à bateaux ont été recensés par des archéologues. Avec quelques citoyens passionnés d’histoire locale et des élus municipaux, ils se battent pour que les cimetières soient reconnus comme du patrimoine historique, et donc protégés par l’Etat français, comme c’est par exemple le cas en Angleterre. Mais tout le monde n’est pas de cet avis, certaines personnes ne voyant dans ces amoncellements d’épaves que des décharges à ciel ouvert qu’il faudrait détruire, pour protéger les promeneurs et mieux aménager le littoral. Derrière chaque morceau de bois ou de ferraille, se dessine pourtant une histoire de la pêche et de la navigation française, racontant un temps révolu d’un rapport plus humain et naturel à la mer et à la construction navale.

Texte de Brice Andlauer

Photos de Maxime Leblanc

1 Une grande épave au cimetière du Magouër

2 Marcel Thomas s'est battu pour conserver le cimetière du Magouër. Il a repoussé les pelleteuses prêtes à déloger les épaves.

3 Cimetière du Magouër

4 Cimetière du Magouër. A l'intérieur des épaves, les structures survivent encore et laissent les traces d'une pratique de la pêche passée.

5 Cimetière du Magouër

6 En face du cimetière du Magouër, le port d'Étel.

7 Cimetière de Quelmer, près de Saint-Malo. La rouille transforme les structures des anciens bateaux.

8 Dans le cimetière de Quelmer, des marins se sont installés une cabane entre les carcasses. Ils s'y retrouvent quotidiennement, autour d'un verre. Ils sont très attachés aux épaves mais en parlent peu.

9 Cimetière de Quelmer. L'ancien moteur d'un bateau.

10 Cimetière de Quelmer. Une épave complètement recouverte à marée haute.

11 Cimetière de Quelmer

12 Les vieux malouins hébergent un chat dans leur cabane.

13 Les épaves sont également le paradis des artistes, graffeurs. Ici au cimetière de Quelmer un artiste évoque le passé négrier de Saint-Malo.

14 Jean-Baptiste Lauwereys, étudiant en archéologie, répertorie les cimetières à bateaux dans toute la Bretagne. Charpentier de marine de formation, il étudie plus précisément les bateaux du cimetière de Quelmer. Les archives qu'il collecte permettent de considérer ces épaves comme du patrimoine, ce qui n'est pas encore le cas en France.

15 Cimetière de Quelmer. Pour certains habitants, ces structures peuvent être dangereuses pour les passants ou les baigneurs et souhaitent ainsi leur démantèlement.

16 Une reconstitution de bateau d'une autre époque, dans le port de Saint-Malo.

17 Anne Hoyau-Berry, archéologue, se bat pour faire reconnaître les épaves comme du patrimoine. Certaines sont menacées de destruction comme celui de Quelmer.

18 Cimetière de Quelmer

19 Cimetière de Quelmer

20 Cimetière de Quelmer

21 Cimetière de Quelmer

22 Presqu'île de Gâvres. La mer est impitoyable. Deux jours avant notre arrivée, un bateau s'est fait surprendre par la tempête. Une jeune fille est morte de froid.

23 Jean-George Driano, président de l'association Gâvres arts et tradition. Il collecte l'histoire de la presqu'île et notamment des bateaux qui restent sur la plage. Son travail permet de reconnaître ces morceaux de bois comme du patrimoine.

24 Cimetière de Gâvres

25 Des structures à l'intérieur des carcasses

26 Ce marin gâvrais a connu la pêche au 20e siècle, sans toutes les technologies. Les épaves lui rappellent ces dures conditions.

27 Cimetière de Gâvres

28 A l'intérieur des bateaux, des traces de leur ancienne activité.

29 Marin gâvrais

30 Des structures à l'intérieur des carcasses

31 A côté du cimetière, un message ambigu.

32 Cimetière de Lanester - Kerhervy, à côté de Lorient

33 Michel Colleu, ancien rédacteur de la revue Chasse-Marée. Il nous conte le rapport des marins à leurs bateaux. Quand ces derniers ne sont plus navigables, ils sont abandonnés sur le rivage pour commencer une nouvelle vie : celle de la décomposition, du retour à la nature. Cette pratique a un sens profond pour les marins bretons.

34 Cimetière de Douarnenez. Ces vestiges seront les derniers. Les nouveaux bateaux sont faits en plastique et donc "indestructibles" selon Michel Colleu. Le bois pourrit, disparaît et le fer sert parfois de cages aux poissons ou de structures stables pour les crustacés.

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