Le long de la côte atlantique française, des carcasses de bateaux viennent parsemer le paysage par dizaines, pourrissant dans la vase tels des vestiges d’un naufrage, en attendant de disparaître. Selon une vieille tradition marine aujourd’hui interdite, les vieux navires de pêche en bois doivent retourner à la nature, en se décomposant sans être détruits. En Bretagne, là où la concentration d’épaves est la plus importante, une cinquantaine de cimetières à bateaux ont été recensés par des archéologues. Avec quelques citoyens passionnés d’histoire locale et des élus municipaux, ils se battent pour que les cimetières soient reconnus comme du patrimoine historique, et donc protégés par l’Etat français, comme c’est par exemple le cas en Angleterre. Mais tout le monde n’est pas de cet avis, certaines personnes ne voyant dans ces amoncellements d’épaves que des décharges à ciel ouvert qu’il faudrait détruire, pour protéger les promeneurs et mieux aménager le littoral. Derrière chaque morceau de bois ou de ferraille, se dessine pourtant une histoire de la pêche et de la navigation française, racontant un temps révolu d’un rapport plus humain et naturel à la mer et à la construction navale.
Texte de Brice Andlauer
Photos de Maxime Leblanc

14 Jean-Baptiste Lauwereys, étudiant en archéologie, répertorie les cimetières à bateaux dans toute la Bretagne. Charpentier de marine de formation, il étudie plus précisément les bateaux du cimetière de Quelmer. Les archives qu'il collecte permettent de considérer ces épaves comme du patrimoine, ce qui n'est pas encore le cas en France.

33 Michel Colleu, ancien rédacteur de la revue Chasse-Marée. Il nous conte le rapport des marins à leurs bateaux. Quand ces derniers ne sont plus navigables, ils sont abandonnés sur le rivage pour commencer une nouvelle vie : celle de la décomposition, du retour à la nature. Cette pratique a un sens profond pour les marins bretons.